Avec un nouveau cadre réglementaire lié à l’interdiction d’utiliser certaines molécules de produits phytosanitaires depuis le 1er janvier 2017, le service des espaces verts de la Ville et les élus développent de nouvelles stratégies de gestion des espaces publics. Si des méthodes palliatives sont expérimentées, la gestion différenciée des espaces implique nécessairement l’apparition d’une végétation “spontanée” avec laquelle il va falloir apprendre à cohabiter. Ce nouveau “visage” de la commune ne résulte pas d’un défaut d’entretien mais bel et bien de la volonté d’améliorer notre cadre de vie en agissant sur la protection de l’environnement et de la santé. Si les collectivités, du fait de la loi de transition énergétique, sont entrées dans le vif du sujet depuis janvier, les particuliers y seront confrontés dès 2019. Entre pédagogie et accompagnement au changement, chacun va devoir s’adapter à ces nouvelles conditions.
Les produits phytosanitaires sont interdits depuis le 1er janvier 2017
La loi interdit, depuis le 1er janvier 2017, aux personnes publiques d’utiliser ou de faire utiliser des produits phytosanitaires, hors produits de biocontrôle, produits UAB (utilisables en agriculture biologique) ou à faibles risques, pour l’entretien des espaces verts, promenades ou forêts accessibles ou ouverts au public. Ne sont pas concernées les zones privées (comme les sites industriels par exemple) et les zones publiques telles que : les cimetières ; les terrains de sport ; les voiries dans les zones étroites ou difficiles d’accès (échangeurs, terre-pleins centraux...) dans la mesure où l’interdiction ne peut être envisagée pour des raisons de sécurité des personnels chargés de l’entretien, de l’exploitation ou des usagers de la route, ou entraîne des interventions disproportionnées sur l’exploitation routière.
Zéro phyto non, mais des produits dérivés
Les réglementations européenne et française permettent encore aujourd’hui l’utilisation de produits phytosanitaires mais de manière très encadré. En parallèle, des produits dérivés, moins dangereux pour l’homme et pour l’environnement émergent. On les trouve classés en quatre familles.
Les produits de biocontrôle
Ce sont des produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte contre les ennemis des cultures. Les produits de biocontrôle peuvent être, aussi bien, de nature chimique de synthèse que naturelle. Ils sont tolérés partout en dehors des établissements d’accueil des personnes vulnérables (établissements hospitalier et de santé) sauf pour les produits composés de macro-organismes sans classement toxicologique tout en respectant la distance avec les zones non traitées, comme par exemple les cours d’eau.
Les produits utilisés en agriculture biologique (U.A.B.)
Ce sont les seuls produits utilisés en production biologique pour lutter contre les ravageurs. Comme les produits de biocontrôle, les produits U.A.B. ne sont pas tolérés dans les établissements accueillant des personnes dites vulnérables.
Les produits composés uniquement de substances de base
Il s’agit de produits qui ne sont pas considérés comme néfaste pour l’homme, les animaux ou l’environnement. Ces produits ne sont pas mis sur le marché en tant que produit phytosanitaire. Très encadré, leur usage est toléré partout. Certains peuvent même être utilisés sur des cultures potagères et sur les arbres fruitiers. Les usages restrictifs sont clairement mentionnés sur les emballages.
Les produits phytopharmaceutiques chimiques de synthèse
Ces produits, dits phytosanitaires, ne doivent être employés qu’en dernier recours et leur utilisation est, depuis le 1er janvier, très encadrée. Pour les utiliser, les produits doivent bénéficier d’une Autorisation de Mise sur le Marché (A.M.M.). Depuis le 1er janvier, ces produits chimiques de synthèse sont interdits sur tous les sites sauf les terrains de sport, les cimetières et les espaces fermés au public. A savoir, ces produits seront interdits dès le 1er janvier 2019 dans les jardins privés.
Entretien avec Annie Dauphin, adjointe au Maire déléguée aux travaux et appels d’offres
#QC : quel est l’impact de l’évolution de la loi pour nos espaces publics ?
Annie Dauphin : nous travaillons avec le service des espaces verts à trouver des palliatifs aux produits phytosanitaires aujourd’hui interdits. Nous avons procédé à de nombreuses expérimentations qui nous ont conduites à revoir notre méthode de gestion des espaces publics. Ainsi, Cusset va être divisé en zones pour lesquelles nous n’emploierons pas les mêmes méthodes. Certains espaces seront traités de manière mécanique (désherbage thermique et manuel, tonte classique ou différenciée), d’autres seront traités avec des produits bio ou de synthèse. On appelle cette démarche “gestion différenciée des espaces verts”. Toute la difficulté réside aujourd’hui à accepter ce nouveau visage de la commune.
#QC : concrètement, quels vont être les changements ?
AD : en dehors des méthodes de gestion différenciée des espaces verts que je viens d’énumérer, nous devons imaginer et concevoir des espaces publics végétalisés certes mais peu enherbés afin de ne pas avoir à désherber. Du côté de notre service espaces verts, nous réorganisons les missions de nos agents. Le recours à ces nouvelles techniques implique un calendrier et des procédures d’intervention différentes. Nous devons dorénavant laisser pousser l’herbe avant d’intervenir et entretenir chaque site en fonction de son utilisation et de sa fréquentation. Alors qu’avant nous intervenions de la même manière partout, nous nous sommes habitués à voir des espaces tondus de près. Aujourd’hui, nous devons réapprendre à vivre avec la nature. On parle d’ailleurs de “végétation spontanée”.
#QC : et du côté des habitants ?
AD : Différentes actions vont être menées en direction des Cussétois, d’une part afin d’expliquer nos nouvelles méthodes de gestion des espaces publics et d’autre part afin de sensibiliser chacun sur sa responsabilité individuelle à l’utilisation de ces produits dangereux pour l’environnement. Ce message doit être entendu par tous, il en va de l’équilibre de notre environnement et de la biodiversité, de notre santé et de celle des générations futures.
Gestion différenciée
Le désherbage thermique
Le principe est simple. En approchant une source de très forte chaleur, durant 1 à 2 secondes, au dessus des végétaux à éliminer, un choc thermique va se produire : sans brûlures sur les herbes, ce sont les cellules des plantes qui vont être atteintes et anéanties par ce “coup de chaleur”. Dans les jours qui suivent, la plante va alors se dessécher sur place jusqu’à la racine. Pour les plus résistantes, les rampantes ou celles dont les racines sont profondes, il faut renouveler l'opération au bout d'une dizaine de jours.
Tondre différemment
On parlera de tonte différenciée dès lors que les passages des services techniques seront moins réguliers et que la hauteur de coupe sera variable. Ainsi, à raison de quelques coupes très courtes, les parties enherbées repousseront à plus grande hauteur laissant ainsi l’écosystème reprendre ses droits. Cette pratique permet aussi de libérer du temps pour les agents municipaux qui, durant les saisons de pousse, sont largement occupés à la tonte et à l’entretien des espaces publics. Certains emplacements nécessiteront toutefois une tonte régulière classique. Que ce soit pour des raisons pratiques ou de sécurité, les espaces seront entretenus comme habituellement.
Le fauchage des espaces (fauchage raisonné = nature préservée)
Il s’agit de faucher deux fois par an, respectant ainsi les cycles de la nature (pousse, floraison, reproduction végétale et animale), voire trois fois sur des zones à sécuriser telles que les carrefours. Concernant les accotements aux abords des routes communales et départementales, gérés par la commune et le Conseil Départemental, on parlera de fauchage raisonné dès lors que la coupe n’excède pas moins de 12 cm ; coupe qui ne perturbe pas les milieux naturels et respecte la biodiversité.
Des chèvres au secours du Jolan
La Ville et la Communauté d’agglomération luttent contre la plante invasive “Renouée du Japon” qui asphyxie à petits feux la faune et la flore du cours d’eau. Contre toute attente, le fauchage intensif pratiqué depuis 2015 s’est révélé inefficace. Aussi, l’option éco-pâturage a été retenue. Cette méthode d’entretien écologique, naturelle est surtout très originale. Ne soyez donc pas surpris de voir quelques chèvres en pleine action dans le Jolan.